SAINT PANCRAS INTERNATIONAL. Partir. Rester. Partir. Rester. C’est de nouveau la même problématique qu’il y a deux moins. L’indécision est vieille comme le monde. Dans la file pour le contrôle de ses bagages et de son passeport, Sephora est une nouvelle fois nerveuse. Elle en a presque mordillé sa lèvre inférieure au sang. Elle se doute bien que personne ne l’attendra sur le quai de la gare parisienne. Pas même un chauffeur de la famille. En rupture avec l’intégralité de ses proches, elle craint ne plus être la bienvenue sur cette terre natale. La respiration s’accélère. « Bon voyage mademoiselle d’Abzac. » Elle cligne des yeux. Ce nom lui est encore étranger. La rouquine n’a que très rarement entendu sa mère se faire appeler ainsi. Toujours été madame de Brantes, famille de Brantes, épouse de Brantes. Tu vis de Brantes, tu bouffes de Brantes, tu dors de Brantes. Elle ne leur en a jamais voulu, mais vous savez prendre ces distances, tout le monde finit par en avoir besoin. Elle reprend son passeport ainsi que la poignée de sa valise. Et puis finalement, partir.

GARE DU NORD. Il y a ce type quelque peu suspect qui la suit depuis un moment déjà – et cela se compte désormais en jours, comme quoi – mais personne d’autres dans les alentours. Comme prévu. Les réflexes reviennent rapidement. Et pendant que certains semblent avoir trouvé le temps d’une cigarette, Sephora se « contente » d’un croissant très français avec plein de beurre et de faire signe en toute grâce et élégance au chauffeur de taxi le plus proche. Être parisienne, cela doit être comme le vélo dans le fond, ça ne s’oublie pas. « 130, boulevard Saint Germain. », articule-t-elle tout juste. Prendre son courage à deux mains. Rentrer. Enfin. Retrouver son confort. Start from scratch. La jeune femme a tout juste le temps de fermer les yeux pendant ce trajet afin de s’imaginer les divers scenarii possibles concernant les « retrouvailles ».

PARIS, 6ÈME. La porte n’est pas fermée à clé… Merci Siem, je peux avoir confiance en toi. Mais elle est trop fatiguée et décalquée pour faire une inspection des lieux et vérifier que tout est en place. Trop fatiguée et décalquée pour se battre contre quoique ce soit, de toute façon. Et puis, il y a un bruit de fond. Inspiration. Expiration. La jeune femme n’est pas seule dans l’appartement. Je ne peux vraiment pas compter sur toi, on va devoir s’expliquer. Fatiguée, décalquée, ennuyée et énervée, pour finir. Personne ne peut rêver de meilleur retour chez soi. Adossée à la porte, elle soupire et prend son courage à deux mains pour vérifier d’où vient le problème. Personne dans la cuisine, ni dans la chambre. Tout paraît rangé même, en tout cas plus rangé que lors de son départ où elle avait plus ou moins tout retourné sur son passage. Et puis, il y a un corps inerte sur le canapé. Inerte, mais vivant toutefois. Oh bah tiens, voilà Siem… « Hm, je te dérange peut être ? » Oui, partir comme une voleuse, revenir sans prévenir, être des plus accueillantes et charmantes, je vous présente Sephora de bonne humeur, de bon matin avec un bon nombre d'heures de sommeil en retard.