Jerk & Naïs

Voilà déjà une bonne heure que je regarde les gens passer ; maintenant je ne compte plus les minutes, je sais qu’elle ne viendra pas. Je me suis rendu à l’évidence il y’a déjà une demi-heure sans pour autant oser bouger de ma chaise. Qu’est ce que je fais ? Je reste continu d’espérer vainement que si ma mère n’est pas là c’était à cause d’un retard de train, d’avion et qu’en ce moment elle s’en veut de ne pas parvenir à me joindre. Je regarde l’heure à mon portable toutes les trente secondes. Rien qu’un appel qui pourrait mettre fin à ce fichu malaise, rien qu’à l’idée que ma mère n’aie pas jugé bon de venir, je sens mon cœur se serrer et mes yeux prêt à pleurer. Mais non ; pas ici, pas maintenant et surtout pas devant tous ces gens. Je les vois là ; à se demander pourquoi je suis seule, à se moquer du lapin qu’on m’a poser et puis y’a ce foutu serveur à la con qui n’arrête pas de se pointer toutes les dix minutes pour savoir quand je vais enfin commander. J’attends ma mère bordel ! J’ai mis une robe pour l’occasion. Je me suis coiffée et maquillée. J’ai fait en sorte de paraître un minimum classe pour qu’elle n’ait pas honte que quelqu’un comme elle soit vu avec moi. Pour que la grande Hélène St-James ne pâtisse des allures de mauvaises fréquentations de sa fille. Mais mes efforts sont comme l’attente : en vain. Parce qu’après ces deux années sans se voir, elle n’a toujours pas jugé bon d’arrêter ce silence qu’elle nous a imposé et surtout parce qu’au final je ne dois pas lui manquer. Pourquoi a-t-elle accepté ce rendez-vous alors ? C’était tellement plus facile de me dire qu’elle ne voulait vraiment plus rien avoir avec moi. A cette seconde, je lui en veux encore plus ; elle continu de me faire du mal. Mon dieu maman ! Pourquoi ?

Rajoutons trente minutes et l’on me demande de partir pour céder ma place. J’ai honte. Ma propre mère m’a délaissé ; tout le monde me regarde ; je suis renvoyé à la rue et en plus je suis habillée comme quelqu’un qui n’est pas moi, comme un clown. Est-ce si minable de vouloir pour une fois faire plaisir à quelqu’un ? Le message est clair. Je sors dans la rue et en profite pour me griller une clope. Je pense à mes économies que je voulais utiliser pour payer le repas et songe finalement à rentrer à la maison. Je pourrais enlever ces frusques et m’enfiler un gros pot de glace sous la couette comme le ferait n’importe quelle gamine de mon âge pourrie par les séries télé américaine ; à quoi bon vouloir faire autre chose quand vous êtes déçue. Je sais que j’ai de quoi payer le taxi, et vu les économies j’aurais même de quoi aller à l’autre bout de la ville. Triste de dépenser tout ça en transport alors que j’ai le métro en face de moi. Oui, j’hésite tout en marchant vers le souterrain comme j’allais trouver une alternative le temps que je fasse dix mètres.

« Nouvelle boîte en banlieue ; l’entrée + une boisson gratuite pour les femmes » crie un jeune homme avant de me flanquer un flyers entre les mains. J’observe le prospectus en détail me disant que c’est peut être ça l’alternative que je recherche. Pour offrir une entrée et une boisson, ça ne m’a pas l’air d’être non plus hypra génial comme endroit mais quoi ? En plus, c'est même pas en ville c'est à quelquepartdontjeneconnaispaslenom Dans l’absence de plan, je fais avec ce qu’on me propose. Je finis finalement dans le métro en direction de la boîte sans même passer à la maison. De toute façon, vu le temps en transport et là où c'est, j'ai bien deux heures et elle sera ouverte lorsque j’arriverais et ce n’est pas comme si je n’allais pas prendre mon temps. Je serre donc le papier dans ma main et regarde une dernière fois mon téléphone avant de le ranger.

Minuit : Pour une soirée pas cher ; je dois avouer que je ne dois pas me plaindre. J’en suis au cinquième verre qu’on m’offre. Les gens pensent qu’avec mon accoutrement, c’est la première fois que je vais en boite et il en profite pour me faire boire. C’est mal me connaître mais justement, ils ne me connaissent pas et je profite de ce pouvoir que j’ai sur leur crédulité. Après tout, je profite et puis final maman : Va te faire foutre.

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Jerk & Naïs

Je suis là, pitoyable à boire tout ce que l’on m’offre juste pour oublier. Oublier l’état de merde dans lequel je suis. Je me sens si … ouais, comme une merde. Et ces connard autour de moi qui m’offre des verres en veux-tu en voilà ne m’aident absolument pas à me sentir mieux. Louise, elle avait les mots pour me réconforter. Elle savait exactement comment s’y prendre avec moi et savait réconforter pas mal de mes peines – surtout lorsqu’il s’agit de maman – mais Louise n’est pas là et vu son silence radio et sa non-réponse à mes messages, je comprends qu’elle sera plus là pour me consoler que je n’ai donc qu’à me tourner vers la seule chose qui parvient à aider à oublier : l’alcool. Des verres entiers que j’ingurgite sans que ça ne fasse un réel effet. Je le tiens trop bien c’est tout et c’est là que je réalise d’avoir autant passé de temps à me bourrer la gueule entre potes. Je suis comme immunisée, seule avec mon mal-être intérieur.

J’observe la foule qui danse autour de moi, mon verre à la main je finis par le jeter au milieu des gens lorsqu’il est vide. J’ai une soudaine envie de les haïr. Pourquoi je suis venue seule ? Sans mes potes et habillée de la sorte ? Je suis mal à l’aise et putain ces gens je les déteste tellement de ne pas être mes amis habituels. Et cette robe merde ! C’est quoi ? Un truc bon chic bon genre qu’en colle plein la vue à ma mère, qui lui corresponde et qui me donne l’image de la fille qu’elle aurait voulu que je sois. Bah’ c’est mort de tout façon, mes efforts ne servent à rien et puis même : j’abandonne. Autant s’éclater à une fête de banlieue ne servant qu’à faire danser les pequenauds sur de la musique de pequenaud qui ne passe plus à Paris depuis – au moins – 2006. Bordel mais allez vous faire foutre vous tous !

« - Oh mais qui voilà.. » Je n’ai pas bougé d’un pouce depuis tout à l’heure lorsque cette voix parvient à mes oreilles. Je regarde la foule s’amuser et voir de la joie chez les autres finis de m’achever. Cette voix à mes oreilles me fait frissonner, je la connais, elle me fait son effet et pourtant, elle m’agace alors que je n’ai même pas eu le temps de me retourner pour en voir le propriétaire. « - Le hasard fait bien les choses non ? Un verre ? » Je sais pas de quel hasard il parle mais je reste sans voix en le regardant. Je saisis le verre qu’il me tends ; après tout, je les accepte tous ce soir mais je me retiens de le boire. Par manque de confiance envers lui. Il est indirectement une des sources de mes problèmes depuis que ses avances sont parvenues aux oreilles de Louise qui m’a largué pour ça. « - Qu'est ce que tu fais ici ? Me dis pas que tu me suis.. Parce que si t'avais envie de moi, fallait pas te déplacer aussi loin pour ça t'sais ! » Et Merde ! Voilà qu’il recommence. Putain ! Mais il peut pas le sortir à une autre son refrain ? Je zieute vite fait le verre qu’il m’a tendu, je voudrais pas le suspecter de n’importe quoi mais ça, je le boirais pas sans goûteur. « Au contraire ; je suis allée jusqu’en banlieue pour être sûre de ne pas te voir. Mais bon ; j’aurais pas pu prévoir que tu te rabattrais sur des crasseuses de campagnes en me trouvant pas. » Je réponds du tac au tac prête à faire demi-tour ; je reste cependant. Je le regarde boire une gorgée de son verre et zieute une nouvelle fois le miens. Sans rien dire, je prends le gobelet dans sa main et j’échange trouvant que l’autre est plus sûr. « Bon ! Merci pour le verre & fais attention aux maladies. Tu peux choper la vache folle ici ! » dis je pour m’amuser avant de repartir plus loin. Ouais ; j’allais quand même pas rester avec nan ? On m’offre un verre et je me casse, quitte à passer pour une profiteuse et une allumeuse.

« Viens là toi ! » Un homme me tient par le bras et m’entraîne à lui ; il me fait mal et me tord presque le poignet. Avec sa force, mon gobelet m’échappe des mains et je commence à crier. « Aaaah ! Mais arrête ; tu me fais mal. » Ca a l’air de plus le faire qu’autre chose. Connard ! Visiblement bien alcoolisé, il n’a pas l’air d’être le genre d’homme qui accepte d’entendre un non. C’est si dur que ça à entendre ? « Danse avec moi ma jolie ; je te paierais une bouteille après. » Nan mais sérieux, pour qui il me prend ? Je ne veux pas danser, pas avec lui. Il pue de la gueule et n’est absolument pas d’la première jeunesse. Merde ! En banlieue on rencontre de tel losers ! « Nan, je danserais pas sale porc ! » Ma réponse ne lui plait pas, il se fige, tire la tronche et à cette insulte ; je sens sa main qui s’écrase sur mon visage. Pas le temps de réagir, de lui rendre la pareille ou même d’éviter. Ce con m’a fait mal et moi, je suis minuscule et assomée sur le con. Putain ; faut que je le crève.

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