« Il était une fois un prince qui voulait épouser une princesse, mais une vraie princesse. Il fit le tour de la Terre pour en trouver une mais il y avait toujours quelque chose qui clochait… Oh. Mon ange, tu dors déjà ? » Comme si j’avais pu, ne serait-ce même qu’une seule fois, répondre à cette stupide question. J’avais beau n’être qu’à demi endormie, je n’avais jamais, ô grand jamais, trouvé la force d’ouvrir la bouche et d’émettre ne serait-ce qu’un son pour dire qu’effectivement, je dormais déjà. Le sommeil m’emportait bien trop loin déjà à ces instants-ci ; et il me semble que cela se répétait à peu près… tous les soirs. La raison pour laquelle je suis au courant de toutes ces fois ? Ma mère, loin d’être ma génitrice – chose que je vous expliquerai dans quelques instants –, avait toujours été une grande, très grande bavarde. J’avais l’impression qu’à chaque repas, dès que le silence régnait, elle sentait ce besoin urgent, voire même vital, d’ouvrir la bouche et de troubler la sérénité qui venait tout juste de s’installer. Alors oui, mon paternel en finissait souvent exaspéré, chose que nous avions fini par partager dès que l’adolescence eut décidé de montrer le bout de son nez dans ma vie. Je comprenais mieux les soupires de mon père dès lors que ma mère ouvrait la bouche, ses paroles si familières qui lui demandaient, lui ordonnaient même de ne plus rien dire et de se taire. Et c’est dans ce genre de moment que je me sens fière de ne pas posséder les gênes de cette femme. La petite histoire caché là-derrière est plutôt commune : un couple français tout fraîchement marié composé d’un homme sans réel soucis et d’une femme qui semble ne pas réussir à tomber enceinte. Ce qu’elle en a appris ? Stérile. Elle était stérile. Alors au final, et après de nombreuses engueulades entre ceux qui allaient devenir mes nouveaux parents, l’idée de l’adoption s’était imposée. Et me voilà à arriver aussi délicatement qu’une fleur – ou presque – dans cette jeune famille aux revenus suffisamment élevés pour en rendre plus d’un jaloux.

Il fut un temps où mes yeux bridés et ma couleur de peau un peu plus foncée que les autres ne semblaient pas plaire à grand monde. Alors, sans réelle bonne raison, je me suis retrouvée à être une sorte de bouc émissaire, tant à l’école que dans mes autres activités… Je me demandais si je ne paraissais pas un peu trop angélique, si ce n’était pas mon air docile et naïf qui amenaient les gens à me traiter ainsi ; puis j’ai fini par comprendre que tout cela était en partie « l’erreur ». Il me semble que mes parents, tout au long de ma croissance, avaient tenter de ne pas me rendre comme tous ces autres enfants de famille riche ; et j’entends par là qu’ils ne voulaient sans doute pas faire de moi la plus ignoble de toutes les pestes, sans aucun respect pour autrui, et toutes les autres caractéristiques d’enfants pourris gâtés qui s’en suivent. Je me contentais donc de ne pas réagir, de ne pas me défendre face à tout ce qu’on me faisait endurer ; jusqu’au jour où… j’en ai sérieusement eu assez. Il semblerait que je sois passée d’un parfait petit ange au plus abominable démon, que je sois devenue une personne « peu fréquentable » si l’on peut dire cela comme ça… Aujourd’hui, les gens ont beau remarquer mon intelligence quelque peu supérieure, je crois qu’ils ne mettent pas de côté l’image d’une folle, voire même un peu furieuse. Mais ce qu’ils ne savent pas, c’est que je cache parfaitement bien les traits de mon caractère que je ne veux pas dévoiler à moins qu’on ne me cherche des noises ; parce qu’évidemment, il est toujours plus amusant d’effrayer et de toucher les personnes qu’on ne peut pas voir lorsqu’elles ne savent pas qui nous sommes au fond. Alors au final, j’ai quelque peu tendance à me foutre de tout le monde, quitte à me mettre quelques fois à en manipuler certains juste par distraction lorsque je trouve le temps long, à critiquer tous les faits et gestes de mon prochain comme jamais personne d’autre ne l’aurait fait et… à être insupportable, parce que je le vaux bien. Mais évidemment, comme chaque personne normalement constituée – et j’écarte de là les cruches de service et tout ce qui s’en rapproche de près ou de loin –, il y a en moi de nombreux traits de caractères que je ne souhaite divulguer à personne, ou presque.

Aujourd’hui et depuis peu, je fais partie d’un cursus bi-disciplinaire regroupant l’économie et le droit à l’université Paris 1, ce qui ne m’empêche pas pour autant de profiter de ma majorité en sortant le soir – sans pour autant faire la fête tous les soirs, études obligent. Et au contraire de certains jeunes, je ne cours pas après l’amour et ne crois pas tant que cela en l’âme-sœur… mais si un jour elle me tombe dessus par hasard, je ne vais pas lui cracher dessus, et soyez même presque sûrs que je vais veiller à garder cette personne à mes côtés jusqu’à ce que j’en décide autrement. Et contrairement à ce que l’on pourrait croire : non, je ne vis plus avec mes parents, et ce depuis quelques mois déjà ; chose qui ne les empêche pas pour autant de subvenir à mes besoins, de payer mon loyer et de m’avoir trouver un appartement plutôt remarquable… Ah, que ferais-je sans eux ?

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