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Il était temps.
Je reposai le combiné du téléphone sur son socle. En serviette au milieu de mon salon, je souriais. Ces deux mois d'exil m'avaient remis les idées en place. Léandre, Pacôme, Grayson. Je savais à présent ce qu'il me restait à faire. J'allais devoir les contacter, on allait devoir s'expliquer, on allait devoir prendre des mesures. Mais je gardais le sourire. J'étais prête à accepter l'amour de ces deux personnes qui avaient toujours régné en maîtres sur mon cœur. Prête à les laisser s'envoler vers leur propre idylle. Plus de secrets, plus de mensonges, pas de ressentiment et peut-être... pas de regrets. Je me dirigeai vers la chambre pour passer un vêtement quelconque. Une petite robe rose pâle ferait l'affaire. Je l'avais glanée sur le marché du Caire et en la passant, instantanément une salve de souvenirs m'envahit. Les pyramides, le soleil, les pharaons, les marchés, les temples, Flo'. Surtout Flo'. Lui et sa tignasse rousse, sa guitare défoncée et sa philosophie à deux balles. Lui et son éternelle bonne humeur. Je n'avais pas radicalement changé en deux mois, mais j'avais changé. Exit la morosité et le repli sur soi-même, bonjour la joie de vivre et l'ouverture aux autres. Calie pouvait remercier le roux qui m'avait redonné goût à la fête. Grâce à lui elle risquait de passer une soirée bien différente de toutes celles qu'elle avait pu passer avec moi, bien plus drôle sans doute. Je chaussai de hauts talons -chose que je n'avais plus faite depuis longtemps- et enfilai une petite veste fluide en lin. Vestiges de mon passage éclair dans le pays de Cléopâtre. La grande blonde de quatre ans ma cadette allait être contente. Elle serait même comblée.

L'air frais du printemps qui approchait à grands pas me ravit. Paris m'avait manqué. Non pas que la chaleur de l'Egypte ou l'hyperactivité d'Ibiza ne m'avaient pas plu, au contraire. Seulement l'ambiance parisienne dans laquelle j'avais toujours baigné et que j'avais quitté du jour au lendemain me rendait quelque peu nostalgique. Je traînai mes talons sur les pavés de la ville lumière. J'étais folle. J'avais décidé de marcher jusque là-bas. Le nez en l'air, admirant les immeubles parisiens comme une pure touriste, je pressai le pas. J'avais pris beaucoup d'avance mais on ne sait jamais. C'est donc d'un pas vif, rythmé par le cliquetis de mes chaussures que je me dirigeai vers le Queen. Le Queen, les fêtards sauront de quoi je parle. Depuis mon retour à Paris c'était comme si je ne voyais plus les choses de la même façon. Je comptais fermement profiter de chaque seconde comme Flo' m'avait appris à le faire. Rester cool. Je resserrai les pans de ma veste en lin contre moi, vainement. Ca n'était certainement pas ce petit geste qui allait empêcher le froid vespéral de me frigorifier sur place. Je me fustigeai d'avoir voulu prendre de l'avance. Heureusement Calie n'était pas le genre à arriver en retard, en tous cas pas quand il s'agissait de faire la fête. Je la vis arriver au loin, sa longue chevelure blonde voltigeant derrière elle. Elle était magnifique. C'est avec un grand sourire que je l'accueillis à mes côtés et lui fis la bise. Ca faisait longtemps. « Si je m’attendais un jour à voir mademoiselle la fleuriste mettre les pieds ici. » Je souris. Elle n'avait pas tord. Quand je vous dis que cet exil de deux mois m'avait changée. J'étais tout de même assez fière de mon effet, et cela ne faisait que commencer. J'étais déterminée à montrer à Calie que Elisa, de son nom de jeune fille -que j'allais sûrement bientôt reprendre- Verlaine, savait s'amuser au moins autant qu'elle. Je passai devant elle. « let's get this party started! » dis-je en passant devant le videur qui m'adressa un petit sourire bienveillant. Les basses assourdie par la distance se firent instantanément plus intenses et nous fûmes plongées dans cet univers nocturne propice à tous les débordements. Je pris Calie par la main et l'attirai jusque sur la piste de danse. Pas de verre avant de s'être un peu dégourdies. « Ca ne vaut pas les plages déchaînées d'Ibiza mais c'est un bon compromis » criai-je à l'attention de mon amie, tentant vainement de couvrir le bruit ambiant. Et ce faisant nous dansions. Les bras levés vers le ciel, les yeux fermés, je laissais la musique me bercer et j'ondulais du bassin. Je repoussai gentiment et du bout des doigts un jeune homme venu se coller à moi. Pas maintenant coco, plus tard. Je ris. Les dernières notes de la chanson se fondaient avec les premières de la suivante et j'estimai qu'il était tant d'aller se poser quelque part. Une table pour deux était libre non loin de là où nous étions et je fis signe à Calie de me rejoindre. Je déposai ma fine veste sur le dossier du fauteuil et m'affalai au fond de celui-ci. La soirée débutait juste. J'avais envie qu'elle dure des années. J'observai Calie. Elle semblait contente et pourtant je décelais chez elle quelque chose que je n'arrivais pas à définir. Déception ? Tristesse ? Ou un sentiment tout autre ? Une chose est sûre c'est qu'elle avait l'air nerveuse. Je notai dans un coin de ma tête qu'il faudrait que je pose la question. « Qu'est-ce que tu deviens Cal' ? » Je souris. « Et au fait, tu veux boire quoi? » ajoutai-je en avisant un serveur qui marchait dans notre direction.

« - Et attends, ce n’est que le début ! » Sans aucun doute. Malgré moi, je sentais une certaine excitation monter. Je n'avais jamais dit non à Calie. Mais je m'étais toujours tenue à l'écart de ses folies nocturnes. Toujours derrière, observatrice. Je dansais mollement quand elle se déhenchait avec aisance. Je m'en souvenais comme si c'était hier, quand bien même notre dernière sortie devait dater de l'antéchrist. Elle avait toujours aimé se moquer gentiment de moi. Elle me trouvait coincée, sans doute. Je ne l'étais pas, j'étais mariée. Avec du recul, je me rends compte qu'être mariée n'a jamais été une excuse pour s'empêcher de s'amuser. Je n'avais pas compris à l'époque. Je relevai la tête vers Calie. Un sourire dévoilant ses dents blanches, un sourire carmin, un sourire enchanteur. Trop enchanteur. J'arquai un sourcil, imperceptiblement. Se pouvait-il que la blonde ait un problème sur la conscience ? Je ne me prétends pas devin ou télépathe mais je pense avoir passé assez de soirées avec elle pour voir quand elle n'est pas dans son état normal. J'écoutai son récit d'une oreille attentive, la fixant toujours. Elle n'avait pas changé. Quelque chose me disait que si, elle avait changé. Mais l'heure n'était pas à l'interrogatoire. Je la laissai poursuivre sans l'interrompre. Studio 8th Wonderland. Oui j'en avais entendu parler. Des fêtes toutes plus folles les unes que les autres. Des organisateurs tous plus fous les uns que les autres. A vrai dire, ça ne m'étonnais guère. Que Calie rejoigne la bande je veux dire. Elle et son naturel festif, son inventivité. Elle devait baigner dans son élément. J'étais contente pour elle. Je souris. Elle aussi. « - Enfin bon, rien de très intéressant en somme. Mais toi, dis-moi. Depuis quand es-tu de retour ? Et surtout.. comment ça s’est passé ce petit.. exil ? » Nous y voilà. J'ôtai ma veste et passai une main dans mes cheveux. En y repensant, Calie était la première personne avec qui j'allais parler de ces deux mois. Mon retour datant d'environ deux jours, je n'avais prévenu personne. Il me fallait encore quelques jours pour remettre l'appartement en ordre, vider quelques affaires, rouvrir la boutique. Cette soirée, je me l'étais autorisée après huit heures de ménage intense. Je l'avais bien méritée.

Avant de lui répondre, je hélai une serveuse à laquelle je demandai une grande bouteille de leur meilleure vodka. Je sentais que nous allions en avoir besoin. Je sentais que Calie en rêvait. Et puis nous mettrons ça sur le compte de mon retour à la capitale. Je remerçiai la serveuse qui s'en alla jusqu'au bar, fendant la foule. Je me retournai vers mon amie. « Je suis revenue avant-hier. J'ai pas mal de boulot avec l'appart alors pour l'instant je fais profil bas... et je range ! » Je ris. « Mon exil... Il a remplis ses fonctions. J'ai eu pas mal de temps pour réfléchir, pour décider de ce que je devais faire. Je pense que je sais maintenant. Et puis j'ai fais ma grosse touriste ! J'ai vu le shpinx, les pyramides, j'en rêvais tu sais. Ca m'a fait beaucoup de bien. Et puis j'ai rencontré quelqu'un. Un fou. Il m'a aidé à me lâcher, il m'a emmenée à Ibiza. Une fête perpetuelle. J'ai adoré. Et Flo' m'a tiré les vers du nez. Il se prend pour un sage, je devrais te le présenter un de ces jours. Enfin si je le retrouve. Il n'est jamais au même endroit. Il bouge tout le temps. Enfin bref. Il fallait que je parte. Je suis désolée de n'avoir prévenu personne, vraiment, désolée.. » Je baissai les yeux vers la table en acajou. Oui je m'étais amusée, oui ce voyage m'avait fait le plus grand bien. Seulement j'avais quand même tout laissé derrière moi, tout abandonné. Mes amis, ma famille. Personne n'avait su que je partait. Je m'en voulais un peu. Si ça se trouve, ils s'étaient inquiétés. Sans doute. Les gens autour de moi ont otujours tendance à en faire trop, à me couver. Je passai la main dans mes cheveux. Cette fois, j'allais leur montrer que je n'étais pas une vulgaire poupée de procelaine. Mon esprit divagua un instant vers Grayson. Il m'avait manqué. Je me rendis soudainement compte que je n'avais aucune idée de ce qui avait bien pu se passer pendant ces deux mois. Il peut s'en passer des choses. Je relevai la tête au moment ù la serveuse revenait avec nos boissons. Une grande bouteille d'Absolut et deux verres. Je souris. La serveuse nosu ouvrit la bouteille et nous servit deux premiers verres. Elle nous adressa un clin d'oeil, consciente que notre folle soirée ne faisait que commencer. Je n'avais qu'une envie: m'éclater à Paris et changer les idées de Calie qui semblait morose. Je pris le verre, l'invitant à faire de même et trinquai. Santé! Je vus le verre d'une traite. Plus de gens commencaient à entrer, bientôt l'endroit serait plein. « Calie j'ai décidé que ce soir serait notre soir. On va boire cette bouteille, on va danser, on va marcher dans Paris, on va kiffer. C'est tout, j'ai décidé. » Je repris un verre et le vidai de la même façon. Je mourrais d'envie de savoir ce que Calie avait dans la tête. Mais je n'ai pas la réputation d'être une indiscrète. Je la surveillai néanmoins du coin de l'oeil. Calie, Calie, dis moi ce qui ne va pas, que je puisse chasser ces mauvaises pensées de ta petite tête blonde.