On voit toujours dans des histoires des princes plus géniaux les uns que les autres. Vaillant. N'ayant peur de rien. Toujours prêt à tout pour poursuivre leur quette et l'accomplissement de leur destin. Imaginez. Un beau prince charmant, montant son beau cheval blanc. Les cheveux dans le vents, il galope vers sa bien aimée qu'il sauvera bientôt des griffes du méchant dragon qui la détient prisonnière … Il ne tarde pas à vaincre ce monstre avec une facilité déconcertante, libérant la belle princesse qui tombe amoureuse de son sauveur. Ils vécurent heureux dans un beau château, eurent beaucoup d'enfants en régnant sur leur domaine avec élégance et fermeté … C'est bon ? Vous avez imaginez ?
Et bien, tout ça, ça c'est absolument pas moi. C'est même tout le contraire de moi.

Sur le tableau noir, les notes de musique défilent. Insouciantes à ce qui les entourent. Un monde où la différence est interdite. Où le conformisme n'est pas une option mais une obligation. Dans cette vie qui nous formate à n'aimer que ceux qui sont identiques. J'envie cet univers où seules les notes dansent. Où la parole n'est pas utile. Mon esprit est absorbée par la craie qui dessine lentement un nouveau monde idyllique. Puis leurs chuchotements me sortent de ma bulle, et l'enfer commence. Je voudrais simplement qu'ils se taisent. Ce chuchotement constant m'agace à en devenir fou. Je me lève alors brutalement. Avec tant de vigueur que ma chaise tombe dans un fracas métallique « TAISEZ VOUS ! » Je tremble de tout mon corps, balançant la table devant moi sous un accès de colère. Je ne sais pas. Je ne comprends pas. Ne veulent-ils pas apprendre ? Ne veulent-ils pas savoir ? Pourquoi sont-ils à l'école s'ils ne veulent que parler ? Un des élèves rit. Il me fixe en rigolant. Je n'arrive pas à intégrer ce qu'il y a de drôle « Alors Erwen, tu joues le lèche botte ?!! » Il rit encore une fois mais ses paroles ne font que m'énerver un peu plus. Comme si je pouvais lécher des bottes ! Jamais je ne ferais ça. Ni les bottes, ni les autres chaussures. «  Ça se lèche pas ! C'est dégueu ! » Je m'énerve une nouvelle fois et je me retrouve devant la porte de la classe.

Je suis fatigué de toutes ces remarques. Toutes ces moqueries. Je suis différent de tous les autres. Seulement je ne comprends pas pourquoi. J'ai peur quand ils s'approchent. Alors je les repousse. J'ai peur quand les choses changent autours de moi. Alors je pique des crises. Je ne parle pas, parce qu'il ne peuvent pas comprendre. Parce que je ne les comprends pas. Je ne parle pas, parce que je n'ai rien à leur dire à eux.
Alors on y survit. Sans un mot, dans cet océan de détresse et de souffrance. Je les vois me regardant un un misérable insecte. Un être n'ayant aucun droit au respect et à l'amour. Je suis seul face à cette classe. M'enfonçant tous les jours un peu plus dans cette solitude inflexible.

Vous entendez la pluie tomber ? Vous entendez ces milliers de petites gouttes d'eau qui viennent frapper le sol comme pour montrer leur tristesse de quitter déjà ce beau petit nuage où elles s'étaient sagement réfugiées ? Cette pluie, c'est la force de ma tristesse. La force de mon désespoir. Mes larmes se mélangent lentement aux gouttes de pluie qui viennent effleurer mon visage. J'ai si mal. Si mal de ne pouvoir rien faire d'autre que de pleurer. Je suis si faible face à eux. Leurs lames de couteau dissimulés derrière leurs paroles.

Puis il est apparu. Lui. Un ange parmi les hommes. Il est devenu mon univers. Celui pour qui j'aurais tout fait. Il faisait naitre un sourire sur mes lèvres par sa simple présence. Du bonheur à l'état brut. J'aurais tout fait pour lui. Il faut croire que le bonheur n'est pas fait pour moi.
Je pensais être différent des autres. Je crois que ma différence n'a pas servit à me faire moins souffrir. J'ai cru mourir de tristesse.