Il y a des moments dans la vie ou l'on ne sait pas vraiment ce qu'on devrait faire, où l'on ne sait pas quelle serait la meilleure solution. Dire clairement à une amie que l'on n'apprécie pas la personne avec qui elle va se fiancer fait partie de ses moments difficiles, mais surmontable. Quand Ana m'avait présenté son petit-copain-futur-fiancé j'ai frôlé la syncope. En soi je ne sais pas ce que je lui reprochais au début, mais sa tête ne me revenait pas, c'est triste, mais il y a des gens avec qui le courant ne passe pas et lui en faisait partie. Je n'ai pas eu à faire semblant longtemps, mon antipathie à son égard avait du mal à être cachée et Ana a vite compris que je ne le portais pas dans mon coeur. Je me souviens lui avoir dit « Mais Ana qu'est-ce que tu lui trouve franchement ? » et sa réponse gênée m'a fait comprendre qu'elle était folle amoureuse de lui et contre ça, il n'y a rien à faire. Juste attendre que ça passe.

Ce qui me tuait c'est qu'elle méritait mieux, tellement mieux. Elle était jolie, intelligente, drôle et tout ce qui s'en suit, elle était du genre à plaire facilement en plus et c'est un type comme lui qu'elle avait choisi. Allez savoir pourquoi. J'ai vite compris qu'il la rendait heureuse, et au fond c'était le principal, alors j'ai arrêté de l'ouvrir constamment. Je les ai regardés se fiancer, je l'ai regardé tomber enceinte, je l'ai regardé perdre cet enfant sans rien dire. Après la fausse couche je l'ai soutenu bien sûr, j'ai fait des efforts pour être poli avec l'autre abruti qui ne semblait pas savoir comment réagir. Je l'ai regardé se remettre de sa dépression, je l'ai regardé retrouver le sourire, je l'ai regardé tomber de nouveau enceinte et enfin je l'ai regardé fermer les yeux sur les infidélités de celui qui partageait sa vie. En fait elle ne se doute de rien je crois, alors que ça crève les yeux. Pour le coup, l'amour l'a réellement rendu aveugle. Et ça me rend fou, vraiment ! Elle était heureuse alors je me fichais qu’elle sorte avec un imbécile de première, et mon but n’était pas de détruire une femme enceinte de sept mois, mais savoir quelque chose d’aussi important et ne pas lui dire était peut-être pire…

Je décidais que la voir autour d'un café serait un bon moyen de pouvoir discuter avec elle et de me rendre un peu plus compte de la situation. C'est donc au Café Oz que nous nous sommes donné rendez-vous et je l'attendais bien sagement avant de commander à boire. Je ne voulais pas gâcher sa vie, et lui faire ouvrir les yeux aurait sûrement des circonstances très négatives sur elle, mais après tout peut-être qu'elle niait juste l'évidence, peut-être qu'elle était au courant mais refusait de se l'avouer. Dans ce genre de situation on se met toujours à la place de l'autre et c'est exactement ce que je faisais. Je ne savais pas si je préférais qu'un ami me tienne au courant des infidélités de mon conjoint et je ne savais donc pas quoi faire pour Ana. En la voyant arriver je ne pus m'empêcher de sourire. « Doux Jésus, tu vas encore grossir ou tu es au maximum là ? »