Quatre heures du matin. Il était bel et bien quatre heures du matin. A cette pensée, main étroitement posée contre son front, Faustine eut beaucoup de peine à réprimer un grognement de frustration. Elle qui adorait la grâce matinée... il fallait qu'elle se soit trouvé une vocation qui l'amenait à se lever tôt, pour courir à l'hôpital voir des horreurs assez diverses. Ouais, c'était pas tous les jours la joie quand on était une infirmière... enfin bref, avec le temps elle avait fini par s'y habituer. Jetant un nouveau regard vers son réveil, elle se mordit légèrement la lèvre, espérant que tout d'un coup, l'heure se mette à reculer, histoire qu'elle puisse un tant soit peu prolonger son temps de sommeil. Mais non, elle n'était pas encore un super héros capable de manipuler le temps et l'espace. Elle devait donc se contenter, comme toute personne lambda, de se lever, quitter ses couvertures sans aucun espoir de les retrouver avant le soir venu... ou la nuit. Ouais, quelle journée. Commencer à l'aube pour finir à l'aube. Génial. Mieux valait qu'elle n'y pense pas. Allez... un, deux, trois... Et non... Elle ne bougea pas d'un seul pouce, comme si ses muscles étaient soudainement devenus mous. "Here come the drums, here come the drums..." Dans un ultime espoir, elle venait d'allumer sa radio, pour lancer la première musique qui passerait et qui serait susceptible de la motiver. Heureusement pour elle, elle n'avait pas atterri sur la chaîne opéra. Haussant les sourcils, elle ferma les yeux, commençant à remuer des hanches sous ses couettes. Ah tiens, il semblerait que ce soit le début d'un soupçon de motivation. Elle avait toujours été comme ça de toute manière... Flemmarde un poil, jusqu'à soudainement, sentir l'énergie la submerger, et la transformer en la jeune femme dynamique et bavarde qu'elle était aux yeux de tous. Eh oui... elle parlait beaucoup. Parler beaucoup pour ne pas forcément dire des trucs très reluisants pour son image, m'enfin bon, elle assumait très bien de passer pour une tarée... elle était celle qu'elle était. Quoique.

Oui, il fallait toujours qu'il y ait un hic... il y avait toujours un hic dans la vie d'une fille comme Faustine, tiens ! Il en avait toujours été ainsi de toute manière mais à cet instant précis, elle s'en fichait pas mal... Au pire, ce Raphaël n'aurait pas voulu la revoir s'il l'avait trouvée complètement tarée, nan ? Ouais, elle était loquace et du genre à lire des trucs débiles, mais quand même, elle avait un tant soit peu d'intérêt pour un mec ! Hm... pas de seins, pas de hanches... pas de fesses... Ouais, bref. Fut un temps où elle avait eu quelques formes, adolescente et plutôt sympathique à regarder. Elle avait un regard flamboyant, et un visage plutôt particulier, qui l'aidait à séduire des hommes plutôt pas mal. D'un autre côté, peut-être qu'elle était trop exigeante. Des questionnements quotidiens pour Faustine car oui, elle était encore célibataire à deux années de la trentaine. Quelle tristesse. Fut un temps où, petite fille, elle s'était déjà vue avec deux enfants, mariée et très heureuse à cet âge qu'elle avait, vingt-huit longues, très longues années. Mais finalement, il fallait que la vie ait eu raison d'elle. D'un autre côté, il lui arrivait parfois de se dire qu'il valait mieux qu'elle ne trouve personne à son goût pour le moment et éviter de finir comme sa mère, obligée de quitter son mari alcoolique parce que celui-ci avait un poil trop bu. Ou plus qu'un poil. Elle ne prenait plus vraiment le temps de penser à sa mère, encore moins à son père qu'elle n'avait pas vu depuis ce fameux jour là, où sa mère avait fait leur valise et avait décidé que le père Chastain était trop dangereux pour l'équilibre de sa précieuse petite fille. Il fallait bien qu'elle avance... qu'elle trace sa vie loin de ces souvenirs compliqués, cette vie passée de laquelle elle ne parlait que trop peu. Etrange... le premier jour de sa rencontre avec Raphaël, elle avait pu voir, l'espace d'un instant, quelques souvenirs qu'elle gardait de son père. Perk... il fallait vraiment qu'il arrête de boire, car dans chacun de ses moments de conscience, elle hésitait à tout annuler, tout oublier de lui avant de se prendre des nouveaux coups à cause d'un surplus de whisky. Pour tout oublier à chaque fois qu'elle pensait à leur baiser, leur petit moment passé ensemble... ses yeux, ce qu'il racontait... Lui tout court.

Bordel ! Elle avait quand même connu ça avec... un, deux, trois... quatre... voire cinq voire même plus, garçons ! Oui, elle n'était pas une cougar, elle n'était pas non plus une croqueuse d'hommes... elle était juste une pauvre et pathétique éternelle romantique, éternelle naïve oui ! Sans doute qu'elle allait encore s'en prendre une belle dans la tronche avec ce Raphaël... Mais qui ne tente rien n'a rien hein ? C'est ce qu'elle s'était dit quand elle s'était mariée la première fois... et la deuxième fois aussi. Oui, ça faisait pitié. Relevant la tête, elle laissa couler l'eau de la douche sur son visage, caressant ses traits du bout des doigts, respirant lentement pour tenter de se réveiller en douceur. Elle ne mangeait pas le matin, se contentant d'avaler un café bien noir, rien que pour pouvoir prendre le plus de temps possible sous la douche. Car oui, il n'y avait rien de tel qu'un bout coup d'eau pour la réveiller, elle, la jeune femme qu'elle était. Souriant en coin, elle sentit ses muscles se détendre lentement, récupérant son énergie au maximum, prête à affronter sa journée, une journée qui promettait d'être longue... partagée entre son boulot et ses sales pensées... celles sur elle, sur sa vie, sur son passé et ses sales histoires... et lui et ses sales histoires à lui... celles qu'il lui cachait encore, mais qui faisaient qu'il buvait et que ça empêchait mine de rien, beaucoup de choses dans la tête de la jeune femme. Bien qu'elle ait des pensées de pauvre adolescente au lendemain de leur fameuse soirée passée tous les deux, alors qu'elle n'oubliait pas la sauveur de ses lèvres contre les siennes.