C’est la chute du vermeille qui vient baiser une toile encore vierge, immaculée. Satan soulève tes jupons, l’outrage à l’état brut te viole et ce ne sont guère mes affaires. L’insensé devient subitement censé et tout se met en place. L’âme s’est envolée, dispersée vers une traître paix. L’inspiration me gagne, mes phalanges se noient dans le noir, s’écrasent contre la toile. La pièce tangue, je chavire. Sous mes pieds, une tumultueuse mer de bois se déchaine. Esprit mutilé, mental fracturé. J’crache sur mon existence ; elle n’est d’aucune importance. J’dégueule ma complainte, pisse sur ma conscience dégueulasse, baise mon âme d’acide. Seule l’art compte, la création par la destruction, blablabla. Le jaune recouvre le noir et le rouge, se mélange, forme ainsi une cacophonie visuelle sans nom. Des pigments blancs surgissent de nuls part, du vert s’abat en pluie sur le tableau. Abstrait post-apocalyptique. Orgasme transcendant, putain d’illusion divine, bordel je bande. Masturbation mentale. Ma folie créatrice me transporte ailleurs. Elle me projette au sein d’un univers beaucoup plus trash, surplombé par les volutes grisâtres qui remplacent vos célèbres nuages, où les chiens enculent les chats, où nos putains sont des anges, où l’envers est l’endroit, où les oiseaux crient notre douleur à l’unisson. Des mains se glissent sous mon t-shirt, le retire pour couvrir mon dos de brûlants baisers. Naufragé noyé dans une fange de sentiments dégueulasses. Pause. Souffle coupé, pensées déstructurées ; putain, je le hais. Ce mec est une véritable calamité, la plus douce des souffrances jamais connues. Je me retourne, mon dos se colle à l’oeuvre. Solal. He’s the lover in my bed. Mes doigts glissent dans ses cheveux, les colorent à leur tour alors qu’il trace sur mon torse des formes chimériques d’un bleu électrique. Mes lèvres remontent le long de son cou, le goût de l’acrylique tâche mes lèvres. Duo épileptique. Défoncés, raides, arrachés, on s’est envolés vers un autre monde. La raison s’est résiliée, la réalité nous sodomise prodigieusement. La lucidité se tient à présent dans mon froc. Bercer par le boum boum psychédélique d’Eurythmics qui raisonne dans mon atelier, ce feu nous consume tel volute Gitane. La souillure a grimpé d’un cran, elle est physique. Physique et sans issue.

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« Mec, tu fous quoi là ? » Je me branle connard, je me branle. J'ai envie de sauter du balcon. Explorer une nouvelle dimension. Collision imparfaitement parfaite avec le bitume quelques mètres plus bas. Au pire, je m'écrase sur le trottoir telle une merde, tâchant d'une flaque vermeille l'asphalte. Bam. Fin des plus poétiques et indolore en prime. C'est pas grand-chose au final. Simplement le rideau qui se tire sur une autre existence misérable. Signer le contrat fatal, c'est que dalle. Simple vérification d'théorie tout au plus. Immortel, vivant, déjà mort ? J'ai envie de savoir, connaître l'absolu et m'y perdre. J'glisse brièvement ma langue sur mes lèvres, bouche s'étirant en un sourire morbide. Mon rire déchire le silence, j'vacille, en équilibre précaire sur la rambarde. L'acide est sinistrement jouissive. « Cette situation est plutôt flippante, descend de là. » Solal, mon amour, ferme ta grande gueule. Le cul posé sur la balustrade, mes mains agrippées à cette dernière, je bouge les pieds dans le vide. L'euphorie est violente, je me marre ; fou à lier. « J'sais pas, ça m'semble pas si haut sept étages. Puis, t'sais bien que j'peux pas vivre dans un monde où la connerie du bas peuple est omniprésente. » J'comprends pas la moitié des phrases que je dégorge. No control. La lucidité m'a laissé en plan. Pute. « Désolé de n'être à la hauteur de tes espérances. » Un long soupir se fait entendre derrière moi. J'me retourne enfin, posant mon regard sur lui quelques secondes avant de me détourner de mon amant, sexfriend, ami ? Aucune idée. On devrait se foutre en couple, comme tous les autres, mais on est au-dessus d'tout ça. « Si tu te sens visé, c'est que t'as un problème de conscience et ça, j'y peux rien. » Nouveau silence, il ne répond même pas. Son sang froid à l'don de me faire chier. Pas drôle.« Tu devrais te faire interner. » Liberté en camisole, jamais. Je m'empalerais sur la Tour Eiffel avant que ça ne se produise, mon ange. Il s'approche dangereusement. Ses bras m'encadrent, son souffle chaud contre ma nuque m'fait momentanément oublier mes précédents engagements envers la Mort. L'amour est une pute aveugle atteinte d'une maladie mentale et sans le moindre sens d'humour. J'cherche ses douces lèvres, espérant que leur contact puisse me contaminer davantage. Son visage n'est plus qu'à quelques millimètres lorsqu'il me tire brusquement vers l'arrière, avant d'me pousse dans l'appartement. « Putain d'enfoiré. » Traîné vers le salon sans ménagement, il referme la porte du balcon derrière nous. C'est limite une mutinerie à ce niveau là. Un sourire de connard orne à présent sa belle gueule et j'lui ferais bien ravaler, mais la flemme a raison de moi. Again. « Mais je t'en prie. Écoute mec, t'es qu'un gosse suicidaire... » Blablabla. Je m'jette sur le canapé, ferme les paupières tandis qu'il me vomit son discours. La rancoeur m'envahit. Il m'a baisé jusqu'à la prostate. J'ai loupé mon rendez-vous avec la Faucheuse par sa faute. Solal mériterait la mort. « C'est fini. » Mes lèvres s'agitent avant même qu'mon cerveau ait analysé les mots que je lui gerbe en pleine face. Il arque un sourcil, me dévisage longuement, son bras retombant le long de son corps. Puis il sourit. Ouais. Il sourit et j'me sens subitement con. C'est le début de la descente aux Enfers. J'suis actuellement en chute libre. C'est fini. Putain. Non. Mon coeur se serre, c'est douloureux.Enfin, "douleur" décrit mal la sensation d'être écartelé, brûlé vif. Le désespoir, vague déferlante, ravage tout sur son passage. Dans mon esprit, l'apocalypse opère ses flux et reflux. Qu'est-ce que j'ai encore foutu ? Tout ce que je voulais, c'était l'atteindre, voir briller des putains de larmes dans ses yeux, qu'il crie, qu'il hurle comme un clébard qu'on éventre. Et au lieu de ça, il s'est posément assis à mes côtés, s'est mis à me caresser le dos et m'a démontré a+b l'être minable que je suis en réalité.